Synthèses des projets diplômés de la session 2022 du DSAA – Produit
Josselin ARGENTO : Domodon
Dans le contexte des fermes urbaines, je cherche à créer de la convivialité et de l’entraide par le don de nourriture dans un but de résilience alimentaire. Le projet qui en découle est un objet architectural qui met en scène des garde-manger solidaires conservant les aliments sans électricité.
Le dérèglement climatique et la raréfaction des ressources naturelles menacent notre accès à l’alimentation, à l’eau potable et à l’énergie.
Pour survivre dans de telles conditions, il me semble désormais nécessaire de développer une culture de la résilience et de l’entraide, plutôt que de la démesure et de l’individualisme. Ce projet cherche donc à encourager des usages de convivialité et d’entraide multiples, allant du don de nourriture à l’atelier de partage de savoirs sur la conservation en bocaux, en passant par des repas collectifs lors de récoltes abondantes.
Il s’agit d’un lieu de démonstration de la pertinence des low-tech, des technologies utiles, accessibles et durables. Elles sont ici incarnées par trois types de garde-manger qui ne dépendent d’aucune source d’énergie pour fonctionner. À chaque garde-manger correspond une ambiance particulière pour accueillir les différents fruits (ambiance aérée), légumes (ambiance humide), et racines (ambiance sableuse) de façon optimale.
L’efficacité de ces garde-manger est amplifiée par un objet architectural créant un micro-climat en utilisant des procédés naturels.
Rémi CAROUX : Micro – aventure
A priori, l’aventure n’a pas besoin d’objets. Mais le designer de produit peut pourtant encourager à l’aventure. En m’inscrivant dans la tendance du retour au tourisme à échelle locale, je cherche à inciter à partir découvrir les espaces naturels qui nous entourent pour y camper. En m’interrogeant sur les usages liés au bivouac, j’entends m’éloigner des solutions clé en main : en réalité, il s’agit de créer des objets qui sollicitent l’usager et qui l’impliquent.
En 2014, Alanstair Humphreys rédigeait la théorie de la micro-aventure dans un livre manifeste et c’est aujourd’hui que la pratique prend son essor. En partant d’une analyse philosophique de l’aventure par Vladimir Jankélévitch et Jean Paul Sartre, je tente de satisfaire les besoins du bivouac par le biais d’objets spécialement dédiés à la micro-aventure. Mon projet ne se targue pas de procurer un périple de haute intensité, mais tente plutôt d’inciter à réaliser la petite aventure que représente le fait de dormir dans la nature. En ayant choisi le feu et l’abri, ma méthode de conception consiste en premier lieu à définir de nouveaux scénarios de micro-aventures pour les rendre ensuite possibles par l’objet. Mon but est d’en rendre l’expérience singulière pour d’abord en susciter l’intérêt, puis pour en guider les premiers pas à l’usage. Dans ma posture de designer, je valorise des méthodes de fabrication en série. Ce choix se justifie par la volonté de produire des objets économes pour atteindre une cible de non-initiés qui oseront alors tenter l’expérience de la micro-aventure.
Anicé CLAUDÉON : Illusion par le pli
Le projet Prestidigitation a pour intention de revaloriser la technique du plissage, un savoir-faire en perdition, par la création d’objets mouvant qui tournent autour de la lumière. Jouant de principes de plis traditionnels et de l’apport de motifs graphiques, la gamme de luminaire modifie son apparence. Par un système filaire intégré, reprenant le geste d’ouverture du rideau de spectacle, les objets s’animent de façon enchantés et semi-indépendante. Cette recherche de prestidigitation permet d’ajuster l’intensité lumineuse dans l’espace, et admet l’illusion d’une présence vivante dans l’espace domestique.
En tant que designer-illusionniste, j’exploite la pratique du “Troublewit”, une technique du pliage cultivée par les prestidigitateurs au XVIIe siècle. Par des principes de pliage, ils créaient différentes formes, métamorphosant le matériau papier en des figures animées.
À travers le plissage, le textile souple et plat se transforme en une matière rigide et volumique. Ce projet met en lumière ce savoir-faire dans une utilisation peu commune. La popeline de coton est plissé, teintée, créant une illusion autour du matériau. Le travail graphique dévoile un trouble de la perception volumique de l’objet. Le jeu de couleurs accroît les effets d’optiques, rendant l’utilisation du luminaire enchantée.
La prestidigitation apporte l’illusion du vivant dans l’espace par une manipulation de l’utilisateur, amenant une dimension merveilleuse dans son espace domestique.
Rémi GOSSE : Sensibilité Autistique
En tant que designer, je cherche à créer un milieu inclusif qui s’adapte à la sensibilité autistique. Ainsi, mon objectif est de concevoir du mobilier scolaire prenant en compte les attentes d’un public autiste alors même que ces attentes sont difficiles à cerner, comme à généraliser pour le designer. Comment avoir accès à la sensibilité autistique ? J’ai décidé de construire une démarche collaborative en travaillant avec des professionnels et des personnes autistes. De cette rencontre a émergé l’idée de construire du mobilier adapté à des profils individualisés.
C’est avant tout la découverte du travail de Fernand Deligny qui m’a amené à interroger en tant que designer la notion de milieu. Cet éducateur français eut un rôle pendant la période de révolution psychiatrique d’après-guerre. Il construisit un milieu avec les autistes en mettant en place des outils techniques lui permettant d’avoir accès à la sensibilité autistique. Mes recherches théoriques et les temps d’immersions en IME m’ont permis d’accéder à la sensibilité autistique. De plus, j’ai pu identifier deux besoins rencontrés par les personnes autistes au sein de l’espace de classe. Le premier besoin est celui de concentration : je soulève le problème de la surcharge sensorielle. Le second besoin est lié aux difficultés d’interaction sociale au sein de la classe. Pour envisager des solutions concrètes, je m’appuie sur des critères précis que je retrouve dans le diagnostic du profil sensoriel établi par les psychomotriciennes de l’IME. Cette base de données offre la possibilité de paramétrer l’espace de travail en fonction du profil sensoriel de l’usager.
Thomas HERMANT : Terre sensible
La terre crue est une matière propice à la régression. On a plaisir à la manipuler : elle nous ramène à nos origines. Je souhaite donc explorer les valeurs symboliques de cette matière primitive en créant de petits objets, faits à la main, chargés de sens.
Premier matériau utilisé par l’homme pour bâtir son environnement, la terre porte en elle l’histoire entière de l’humanité. Elle permet aussi un retour à une manipulation sensuelle, contact direct avec la matière crue qui est rarement permis aujourd’hui. Ma méthodologie de recherche autour du matériau s’est engagée par une phase d’expérimentation où j’ai cherché à interroger la manière dont la terre peut prendre une esthétique plus ou moins brute. J’explore au fur et à mesure de la mise en forme de la terre, la manière dont son esthétique sera brute, par le choix d’un volume plus ou moins précis, ou d’outils plus ou moins fins. Les volumes en terres ainsi formés vont se combiner entre eux ou avec des matériaux pour produire des objets s’inscrivant dans l’environnement domestique.
Valentin JEANJACQUOT : Mobilité vertueuse
Le vélo, aussi animal que la voiture ? Un vélo pour se libérer de son auto. Un vélo plus animal, c’est un vélo plus organique, permettant le transport de charge et l’adaptabilité au corps. La voiture est un animal désirable qui détruit son environnement. Elle m’a poussé à créer un vélo qui serait tout aussi désirable, mais plus vertueux.
La voiture étant une espèce agressive, protectrice, stable sur ses appuis et pouvant porter facilement des charges, les mutations à opérer sur le vélo ont été les suivantes : le vélo devait être plus massif,
plus stable, plus protecteur et plus adaptable. J’ai pensé un squelette articulé s’adaptant à ces différentes contraintes. Il est formé d’une ossature en aluminium hydroformé. J’ai alors ajouté un troisième point d’appui et une peau à l’ossature. Cette nouvelle espèce peut même se faire toute petite pour devenir un chariot de course avec une grande contenance grâce à sa nouvelle peau. Il suffira de prendre le taureau par les cornes pour qu’elle devienne plus docile.
Mathys LEFÉVÈRE : Rêverie d’objets
Un moment où il ne se passe rien… Un instant où l’on oublie le temps. Une pause initiée par un simple objet. Notre recherche s’est penchée sur l’attention sensible que l’on porte aux objets.
Notre démarche s’appuie sur la lecture des « Rêveries du promeneur solitaire » de Jean-Jacques Rousseau. L’envie de transposer l’atmosphère lyrique du texte dans une production d’objets nous a amené à construire notre méthode de travail à partir de la matière même des écrits de Rousseau. Cette méthode nous a permis d’identifier les mouvements d’éléments fondamentaux comme étant un moyen de mener une observation vers la rêverie. La captation vidéo de ces éléments fondamentaux nous a conduit à considérer nos objets comme secondaires à ces mouvements.
Archibald SIMON : Hair force
Suite à mon envie de travailler avec les cheveux et curieux de découvrir leurs propriétés mécaniques et plastiques, je me suis fixé un objectif de démonstration: persuader que les cheveux ont leur place dans le monde du design produit.
Le constat initial est simple : les cheveux ont de formidables propriétés découlant de leur composition. Ils sont solides, légers, capables de capter les hydrocarbures, peuvent devenir de bons nutriments pour les végétaux et sont produits en quantité abondante. Mais, malgré cela, les cheveux sont considérés comme des déchets et finissent bien souvent brûlés, libérant ainsi des molécules toxiques.
J’ai premièrement mené une recherche exploratoire et empirique avec ce qu’il est convenu de nommer la fibre capillaire humaine. Ceci dans le but d’identifier la propriété que je souhaitais mettre en valeur. C’est sa résistance à la traction qui, je pense, est la qualité la plus valorisante pour cette matière.
Pour surcycler cette matière, j’ai fait le choix de séparer en deux les fibres capillaires. D’un côté les cheveux longs et de l’autre les cheveux courts.
Il m’a fallu ensuite entreprendre deux protocoles. Le premier visant la fabrication de corde entrainant la fabrication d’outils pour mettre au point des produits semi-finis exploitables. Le second permettant de revaloriser les fibres courtes en les transformant en plaques rigides et homogènes. Le projet développe un catalogue d’expérimentations sur la mise en forme et de mise en œuvre de ces cheveux recyclés. Ceci afin d’ouvrir vers un nouveau domaine d’application : celui du mobilier.
Victor-Alexis TONAPAN : Bureau essentiel
Le bureau fixe tend à disparaître. En effet, l’ordinateur, véritable « bureau 2.0 » nous permet aujourd’hui de travailler de partout. Cependant, en n’ayant plus d’espace de travail personnel, le travailleur n’est-il pas quelque part dépossédé de quelque chose d’essentiel ? Jusqu’où pouvons-nous réduire le bureau ? Est-il possible pour ces travailleurs flexibles d’ « habiter » ces nouveaux espaces de travail impersonnels malgré tout ?
Par « malgré tout », j’entends que les espaces sont éphémères, et que le travailleur ne peut alors plus personnaliser son espace de travail. Je m’intéresse principalement à deux scénarios concernant les travailleurs flexibles d’aujourd’hui : le travail dans les espaces partagés, et le travail dans les transports.
L’une des premières pistes que j’ai menée est la réduction des objets de bureaux. L’objectif était de les réduire, afin de pouvoir en apporter un maximum à son lieu de travail dans l’objectif de le personnaliser. Cependant, je me suis rendu compte au fur et à mesure de mes expérimentations que je tendais plutôt à faire le contraire : à « rematérialiser », à rajouter du réel sur l’espace de travail.
En me demandant quels étaient les objets essentiels au bureau, je me suis ainsi rendu compte de l’importance de la personnalisation et du confort dans cet espace. J’ai ainsi pu sortir deux notions : le déploiement et la modularité. Le premier permet principalement de s’étaler sur un espace, et le second d’offrir une liberté de choix au travailleur, deux notions cruciales pour l’intimité du travailleur.